Pierre-André Juven : Ce fut une très belle soirée. Je l’ai bien sûr vécue comme une reconnaissance de mon travail, mais aussi avec un peu de stress, un peu comme une soutenance mais sans le suspense du résultat. Ce fut idéal pour réunir famille, amis, collègues et professeurs. La compétition est réelle : 185 thèses sont présentées, 18 sont pré-sélectionnées et seulement 5 Prix décernés dans la catégorie Sciences Humaines et Sociales. (Et 5 autres en sciences dites « dures »). Cerise sur le gâteau, je vais pouvoir publier un livre aux Presses Universitaires de France, dans la collection Partage du Savoir, ce qui a beaucoup de sens à mes yeux car il y a un objectif à la fois académique mais aussi, au-delà, de faire circuler ce travail dans l’espace public. J’ai déjà commencé l’écriture, c’est un travail conséquent car ce livre sera moins volumineux que ma thèse, il y a là une traduction à opérer.
J’ai un parcours très orienté vers la sociologie. Après une classe préparatoire littéraire à Clermont-Ferrand, j’ai rejoint l’Institut d’Études Politiques de Rennes et choisi une spécialisation en sociologie des politiques publiques, et j’ai choisi de travailler en incluant la sociologie des sciences et techniques dans ma démarche. Cela m’a notamment donné l’occasion de passer une année à Londres, à la Queen Mary University. J’ai débuté ma thèse en 2010 aux Mines de Paris, sous la direction de Vololona Rabeharisoa et j’ai soutenu en octobre 2014. Je rends hommage à Vololona qui est une directrice à la fois exigeante, humaine et disponible. Nous nous sommes vus tous les 3 ou 4 mois et nos échanges ont été très précieux pour identifier les terrains sur lesquels j’allais travailler et, toujours, la mesure du temps que je pouvais y consacrer. Elle a été une excellente directrice de thèse. Je dois ajouter que c’est une chance d’avoir mené cette thèse à MINES ParisTech, au CSI, où les conditions de travail sont, à mon avis, idéales et où l’on fréquente des chercheuses et des chercheurs de très grande qualité.
A la source de ce choix il y a mes études en sciences politiques. J’ai été marqué par la lecture de Michel Foucault, et notamment par ses travaux sur la gouvernementalité. Ensuite, à l’occasion d’une première recherche consacrée à la refonte comptable (par branche) opérée à la SNCF, je me suis rendu compte que les outils de gestion ont un effet structurant sur l’organisation, sur la façon qu’elle a de se penser et sur le travail des cheminots. Il est intéressant de comprendre comment les règles de gestion transforment les organisations et les services rendus, comment la création d’indicateurs fragilise aussi les structures mais aussi comment ces transformations sont appréhendées par les acteurs qui en sont l’objet et comment des controverses peuvent naître à partir de ces instruments. J’ai donc répondu à un appel à bourse doctorale du CSI qui me donnait la possibilité de travailler sur les politiques publiques et sur les questions de santé. Je me souviens encore de mon « entretien d’embauche » avec Antoine Hennion, Alexandre Mallard et Vololona Rabeharisoa dans le bureau de Michel Callon, ce qui était pour moi, jeune impétrant, très impressionnant. Nous avons décidé que je travaillerai sur une grande transformation de l’hôpital public, et très vite, notamment sur le conseil de Madeleine Akrich, j’ai décidé de travailler sur la mise en place de la tarification à l’activité, appelée T2A, qui est un instrument de financement des hôpitaux encore controversé
Au cours des années 1980 et 1990, l’Etat qui cherchait à maitriser les dépenses, a mobilisé des chercheurs en gestion (du Centre de Gestion Scientifique MINES ParisTech notamment) afin qu’ils proposent un modèle de régulation des budgets. Un calcul très complexe à réaliser. Après 10 ans de travaux, ceux-ci ont trouvé une méthode, tout en mettant en garde contre la tentation de transformer le coût moyen de séjours hospitaliers en prix. C’est pourtant ce qui s’est passé et c’est précisément ce qui devait être étudié.
Ma thèse explique comment ce calcul de coût a été élaboré, puis transformé en tarification par les autorités, au début des années 2000. C’est l’invention de l’hôpital gestionnaire par les études de coût. Beaucoup de controverses viennent du caractère « prescriptif » de ce calcul dans le sens où il tend à définir les soins. En effet, il existe différentes façons de « calculer » et ces calculs ne font pas que mettre les choses en chiffres, ils les définissent, ils disent ce qu’elles sont et ce qu’elles devraient être. Je montre aussi comment différents acteurs – comme des associations de patients - ont finalement pris l’Etat au mot, ou si l’on veut « au chiffre ». Ils ont à leur tour enrôlé des chercheurs pour recalculer le coût de la prise en charge de patients, souffrant de la mucoviscidose par exemple, afin de provoquer une renégociation et de nouvelles prises en charge mais aussi et c’est très important, afin de bien dire ce qu’est la prise en charge d’une maladie chronique, en l’occurrence plus que des actes cliniques. C’est le surgissement d’une nouvelle forme d’activisme que j’ai appelé activisme gestionnaire, quand le militantisme s’invite sur le terrain économique.
J’effectue aujourd’hui un post doctorat à l’IFRIS, l’Institut Francilien de Recherche Innovation Société. Je travaille encore dans le domaine de la santé, et plus particulièrement sur le coût du cancer. Cette réflexion porte autant sur les établissements de soins que sur les traitements, les coûts supportés par les patients, les méthodes de calculs et les controverses qui en découlent. Ce qui me permet de ne pas trop m’éloigner de mes collègues et amis du CSI.
A consulter :
La page Twitter de Pierre-André Juven
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